Dans une démarche reflétant une tendance mondiale croissante, la Bourse de Tunis a commencé à mettre en lumière les rapports Environnement, Social et Gouvernance (ESG) des entreprises cotées. Le secteur bancaire n’a pas été épargné par cette transformation : seuls UBCI et BH Bank ont publié jusqu’à présent leurs rapports de durabilité pour 2024, tandis que la STB a annoncé son intention de publier le sien ultérieurement. Les autres banques restent absentes du paysage à ce jour.

Cette disparité ne pose pas seulement la question du calendrier, elle révèle également une variation profonde dans la priorité accordée à la durabilité et dans la stratégie ESG au sein des institutions financières, qui constituent un pilier fondamental de l’économie et sont responsables de l’orientation des capitaux vers des projets durables et sûrs.


Derrière les trois lettres : pourquoi les rapports ESG sont-ils essentiels aujourd’hui ?

Les rapports ESG ne sont plus de simples documents de communication ou de relations publiques. Ils sont désormais :

  • Boussole pour les investisseurs : particulièrement pour la génération Y et les investisseurs institutionnels qui intègrent les critères d’Investissement Socialement Responsable (ISR) dans leurs décisions, évitant les entreprises à forts risques environnementaux ou sociaux.
  • Bouclier pour la réputation : à l’ère de l’information instantanée, la transparence volontaire devient une arme proactive pour protéger l’image et renforcer le capital immatériel.
  • Indicateur de qualité de gestion : la bonne gouvernance (le « G ») est souvent associée à une meilleure performance financière et à une gestion des risques plus prudente à long terme.

Analyse du secteur : retard et avance des banques

Banques leaders (UBCI et BH) : La publication de leur rapport montre l’existence d’une infrastructure pour collecter les données (consommation d’énergie, diversité des employés, politiques fournisseurs) et la volonté de la direction d’adopter des normes de transparence. Pour BH Bank, c’est une démarche proactive renforçant la confiance des clients et investisseurs, surtout dans une période de défis financiers (baisse des profits et hausse des créances douteuses), envoyant un signal que la direction se projette vers l’avenir avec les meilleures pratiques.

Banques en retard ou absentes : L’absence de rapport peut s’expliquer par plusieurs facteurs :

  • Faible maturité stratégique : la durabilité n’est pas encore intégrée aux priorités stratégiques.
  • Défis techniques : absence de systèmes pour mesurer et suivre avec précision les indicateurs non financiers.
  • Contraintes organisationnelles et temporelles : un retard pouvant être justifié si une feuille de route claire est annoncée.

Perspectives : attentes du marché

La publication du rapport n’est que le début. Analystes et investisseurs se concentreront sur :

  • Le fond, pas la forme : le rapport propose-t-il des objectifs quantifiables et mesurables (réduction des émissions de 10 % en 3 ans, augmentation de la représentation féminine aux postes de direction) ou de simples déclarations générales ?
  • Intégration au modèle opérationnel : les banques intègrent-elles les critères ESG dans leurs opérations ? Par exemple, financement préférentiel des projets verts, mesure de l’empreinte carbone du portefeuille de crédits.
  • Crédibilité et audit : les données sont-elles vérifiées par un organisme indépendant pour garantir leur fiabilité ?

Feuille de route pour la durabilité bancaire en Tunisie

Pour éviter que les rapports ESG ne deviennent un simple « greenwashing », il est nécessaire de :

  • Sensibilisation continue : renforcer la conscience des conseils d’administration et des directions sur l’importance et les dimensions de la durabilité.
  • Uniformisation des standards : adopter un cadre commun et des normes claires pour faciliter la comparaison entre banques.
  • Rôle de supervision : la banque centrale peut jouer un rôle incitatif en émettant des directives ou en rendant la publication quasi obligatoire pour les banques de taille significative.
  • Participation des parties prenantes : collaboration entre intermédiaires financiers, universités et centres de recherche (comme l’initiative RSE.TN) pour développer des outils et renforcer les compétences.

La différence entre une banque publiant son rapport ESG et une autre qui ne le fait pas est désormais la différence entre :

  • Une banque qui se prépare pour l’avenir et renforce sa résilience face aux risques non financiers.
  • Une banque qui reste enfermée dans des approches traditionnelles et à court terme.

Adopter une véritable stratégie ESG n’est plus une option, mais une nécessité pour assurer la pérennité et la continuité dans le paysage financier moderne. La première étape consiste à faire preuve de transparence et d’information publique.

Cet article est une collaboration entre Brands.tn et RSE.TN

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