Tunis – Les états financiers de la Société de Fabrication des Boissons de Tunisie (SFBT) pour le premier semestre 2025 affichent une performance remarquable, avec un bénéfice net de 169,6 millions de dinars, en hausse d’environ 10% par rapport à la même période de l’année précédente. Mais derrière cette façade brillante se cache une réalité difficile, marquée par des contentieux fiscaux, sociaux et juridiques qui font peser une menace directe sur ses bénéfices.
Des bénéfices records en un semestre
Selon les données financières consultées, la SFBT confirme son statut de géant du marché tunisien. Son chiffre d’affaires s’élève à environ 358 millions de dinars, avec une marge nette spectaculaire avoisinant 50%, témoignant d’une forte domination du marché et d’une efficacité opérationnelle élevée. Le bénéfice par action a atteint 0,633 dinar, renforçant sa position parmi les entreprises phares de la Bourse de Tunis.
Cependant, derrière ces chiffres dorés, les notes annexées au rapport révèlent une réalité plus complexe : l’entreprise fait face à des réclamations et pénalités dont le montant global dépasse ses bénéfices d’un semestre entier.
Pression fiscale… un point d’interrogation
L’un des éléments les plus frappants du rapport est que le total des impôts et contributions versés n’a pas dépassé 21,9 millions de dinars, soit environ 11,4% seulement du résultat avant impôts. Ce taux, nettement inférieur aux standards fiscaux en vigueur en Tunisie, soulève des interrogations quant aux avantages fiscaux utilisés ou aux choix comptables de l’entreprise. Cette situation pourrait expliquer en partie pourquoi la SFBT fait l’objet d’un contrôle fiscal renforcé ces dernières années.
Le dossier fiscal : une tempête qui menace la stabilité de la SFBT
Le risque le plus sérieux pour la société demeure le contentieux fiscal, dont les détails sont préoccupants :
- Vérification fiscale approfondie pour l’exercice 2019 : l’administration fiscale a notifié à la société un redressement de 36 millions de dinars (dont 18 millions au titre de pénalités de retard) en août 2024. Malgré les objections de la SFBT, ce même montant lui a été à nouveau réclamé en avril 2025.
- Litige fiscal pour 2017 : l’administration lui réclame en outre 9,3 millions de dinars supplémentaires (pénalités incluses).
Au total, les montants contestés atteignent environ 45 millions de dinars, une somme considérable susceptible d’affecter lourdement les résultats de l’entreprise durant plusieurs années. Consciente de la gravité de la situation, la SFBT a saisi la justice et déposé un recours devant le tribunal de première instance, tout en versant, de manière paradoxale, un acompte de 900 000 dinars afin de bénéficier de l’amnistie sur les pénalités.
Pas seulement les impôts… des défis juridiques et sociaux supplémentaires
Au-delà du volet fiscal, le rapport mentionne d’autres litiges importants :
- Amende du Conseil de la concurrence : en mai 2024, le Conseil a infligé une sanction financière d’environ 20 millions de dinars au groupe SFBT, dont 13 millions imputés à la société mère, pour des pratiques jugées contraires aux règles de concurrence. La société a annoncé son intention de faire appel.
- Litige avec la CNSS : la Caisse nationale de sécurité sociale a notifié à l’entreprise une créance de 1,6 million de dinars portant sur la période 2020-2022. Ce dossier devrait lui aussi être porté devant les tribunaux.
Trésorerie sous pression
Malgré ces bénéfices records, la société a enregistré un flux de trésorerie opérationnel négatif de -4,3 millions de dinars au premier semestre 2025. Ce recul s’explique principalement par l’augmentation des créances clients et la hausse des stocks. Il traduit le fait qu’une partie des bénéfices comptabilisés ne correspond pas à de la liquidité disponible. Cette fragilité accentue le risque si la société devait s’acquitter de montants importants liés à ses litiges fiscaux et juridiques.
Une prospérité sous la menace
Il ne fait aucun doute que la SFBT demeure un acteur économique majeur disposant de bases solides, comme en témoigne sa trésorerie abondante de 191 millions de dinars. Néanmoins, cette prospérité apparaît fragile à la lumière des tempêtes fiscales et juridiques qui l’entourent. L’avenir de la SFBT dépendra moins de la dynamique concurrentielle du marché que de l’issue de ses batailles judiciaires. Les prochains mois seront déterminants pour savoir si ce nuage se transformera en pluie de sanctions affaiblissant le géant, ou s’il s’éloignera sans conséquence durable.
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